Interview surprise de Eric Fouassier




 Bonjour Eric, et merci d'avoir bien vouloir répondre à nos questions indiscrètes !

•      Tout d'abord, peux-tu te présenter ?

J’ai 58 ans et suis à la fois professeur des universités et écrivain. Docteur en pharmacie et en droit, j’enseigne le droit de la santé et l’histoire de la pharmacie à l’université de Paris-Saclay où je dirige également une équipe de recherche. J’écris aussi depuis que j’ai l’âge de 15 ans et ai d’abord commencé à publier des nouvelles en revues puis chez de petits éditeurs. Depuis 2016, cette activité d’écrivain est devenue plus importante et j’ai acquis un lectorat fidèle avec plusieurs romans policiers historiques parus aux éditions JC-Lattès et, dernièrement, chez Albin-Michel. C’est chez ce second éditeur que je viens notamment de publier cette année mon premier véritable best-seller avec Le bureau des affaires occultes qui a remporté le prix Maison de la presse au printemps dernier.


•      Quel est ton dernier coup de cœur littéraire ?

J’en citerai deux. Le premier tient à mon goût pour l’histoire. C’est un roman d’un écrivain anglais, Edward Carey, paru cette année aux éditions du Cherche-Midi et intitulé "Petite". L’auteur y retrace le destin exceptionnel d’une petite strasbourgeoise du 18ème siècle qui se révèle être la fameuse madame Tussaud, créatrice du musée de cire du même nom. C’est un récit palpitant qui mêle la grande et la petite histoire. Mon deuxième choix est le roman de mon frère Luc-Michel Fouassier intitulé "Les pantoufles" et paru il y a tout juste un an aux éditions de l’Arbre vengeur. Il va sortir en poche chez Folio en mars prochain. C’est une sorte de fable moderne, portée par un style très travaillé, où un quidam, bloqué en pantoufles à l’extérieur de chez lui, voit son propre regard et celui des autres changer juste en raison de cette paire de charentaises incongrues à ses pieds.


•      Quel est le plus beau compliment qu’on t’ait fait par rapport à tes romans ?

Lors d’une signature récente en librairie, une maman est venue me remercier car ses grands ados qui ne lisaient plus ont littéralement dévoré Le bureau des affaires occultes. Savoir qu’un de mes livres a eu ce pouvoir-là : redonner le goût de lire à certaines personnes, c’est vraiment un très très grand bonheur.


•      Écris-tu tes romans dans l’ordre dans lequel on les lit ou chaque partie chronologiquement et tu les mélanges après lors de la mise en page ?

J’écris tous les chapitres dans l’ordre où le lecteur va les lire. C’est pour moi la seule façon de vraiment me rendre compte de l’effet qu’ils produiront sur celui-ci. D’ailleurs, je ne commence jamais un roman policier historique sans avoir établi au préalable tout le découpage du livre en chapitres. Cela veut dire que je prévois à l’avance le nombre de chapitres et ce qui va se passer dans chacun d’entre eux.


•      Sais-tu dès le départ comment va se terminer ton histoire ou te laisses-tu emporter par tes personnages ? 

Pour les romans policiers, comme je viens de le dire, je fais toujours un chapitrage préalable. Donc, je sais exactement comment l’histoire va se terminer. En outre, cette façon de faire, évite les rebondissements artificiels en cours de récit et les résolutions d’énigme « capilotractées ». J’avoue être toujours un peu dubitatif quand un auteur de polar me dit qu’il ne fait aucun plan au préalable. Cela dit, on ne maîtrise jamais complètement ses personnages. Certains peuvent se révéler plus attachants ou plus coriaces qu’on ne l’avait prévu au départ et cela peut conduire à modifier le plan initial. A vrai dire, pour aucun de mes romans, je crois n’avoir respecté totalement le chapitrage prévu au départ. Certains chapitres sont regroupés, d’autres apparaissent ou disparaissent. L’intrigue peut commander ses propres développements et il est difficile d’avoir tout prévu dès la première ligne. Mais ce plan initial, ce découpage en chapitres forment pour moi, je le répète, une forme de colonne vertébrale qui évite à l’intrigue d’être, au bout du compte, bancale ou mal fichue.

•      As-tu déjà plusieurs idées en tête pour des prochains romans ? 

Ce ne sont pas les idées qui manquent mais plutôt le temps pour les concrétiser toutes ! J’ai au moins une demi-douzaine de projets de romans pour lesquels j’ai déjà pris des notes et/ou accumulé de la documentation. J’espère avoir le temps de toutes les coucher sur le papier. Le problème, c’est que pour un livre écrit, il me vient toujours deux ou trois autres idées de roman !

•      Que ressens-tu lorsque tu croises quelqu’un en train de lire un de tes romans ? Oses-tu l’aborder pour lui demander son ressenti ? 

C’est un sentiment merveilleux, presque ineffable, la première fois où cela se produit. Je me souviens d’une interview de Francis Cabrel où il racontait très bien ce moment où pour la première fois il a entendu des ouvriers fredonner l’une de ses chansons. On est sur un petit nuage et en même temps on a envie de se pincer pour y croire. Pour ma part, je n’aborde jamais la personne (j’ai trop le souci de respecter la liberté d’autrui et sa sphère intime), mais je l’observe un peu en essayant de deviner, à son expression, quel peut bien être son ressenti.

•      Utilises-tu la personnalité de tes connaissances pour créer certains de tes personnages ?

Comme pour beaucoup d’écrivains j’imagine, mes personnages sont des créatures composites. J’y mets un peu de moi, de mes proches, de mes connaissances, de personnes célèbres (pour les descriptions physiques, j’aime bien m’inspirer d’acteurs ou d’actrices) et aussi d’autres personnages tirés de romans qui m’ont plu.

•      Si tu devais choisir un de tes personnages avec qui déjeuner, lequel choisirais-tu ? Pourquoi ? 

Difficile de choisir. Je crois que j’organiserais un dîner avec toutes mes héroïnes car je suis forcément un peu amoureux de chacune d’entre elles. Moi qui suis l’homme d’une seule femme (j’ai rencontré mon épouse au lycée quand elle n’avait encore que 14 ans et moi 15, et nous en sommes à 32 ans de mariage sans la plus petite ombre au tableau !), cela m’amuserait assez de réunir autour de moi Héloïse, Wintrude, Aglaé et toutes les autres… La soirée ne manquerait pas de piment !

•      Quel auteur (mort ou vivant) aimerais-tu interviewer ? 

J’aurais bien aimé interroger Dino Buzzati quand il a mis le point final au Désert des tartares. C’est un livre qui m’a profondément marqué, une formidable métaphore sur la destinée humaine, doublé d’un travail d’écriture remarquable sur le passage du temps. Etait-il immédiatement conscient d’avoir écrit un chef d’œuvre absolu ?

•      Écris-tu le premier jet de tes romans à la main ou directement sur l’ordi ? 

Je fais tout le travail préparatoire à la main : chapitrage, fiches de documentation… En revanche, j’écris tous mes romans directement à l’ordinateur, ce qui permet de disposer en permanence d’une version au net. Seule exception : quand je me déplace dans les salons du livre. Là, il peut m’arriver d’écrire à la main certains passages du roman dans le train ou sur un coin de table.

•      L’écriture est-elle un changement majeur dans ta vie ?  Quelle place a telle pris ?

J’ai écrit mon premier manuscrit à 15 ans et même si j’ai dû attendre d’avoir 42 ans pour publier mon premier livre chez un éditeur (j’en suis maintenant à 14 : 3 recueils de nouvelles et 11 romans) l’écriture a toujours été très présente dans ma vie. Ce qui représente un changement majeur, c’est plutôt la reconnaissance du milieu et le succès populaire que m’a apporté le prix Maison de la presse.

 •      Quels sont tes projets ? As-tu des scoops ?

En ce moment, je travaille à l’écriture de la nouvelle enquête de l’inspecteur Valentin Verne, le chef du Bureau des affaires occultes. Si tout va bien, elle devrait sortir en mai prochain, toujours chez Albin-Michel, tandis que la première enquête sera reprise en même temps au Livre de poche. Pour ce qui est du scoop, il se pourrait que ce cher Valentin s’incarne dans 3 ou 4 ans à l’écran puisque nous venons de céder les droits d’adaptation. Mais il est encore trop tôt pour en dire plus…



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