Jean-Baptiste DEL AMO - « le fils de l’homme » (Par Phil)

 Grasset ed., 239 pages

Après avoir abandonné son fils et sa femme, un homme resurgit dans sa famille plusieurs années après. Aussitôt, il exerce son emprise sur le noyau familial et la femme, qui a dû se débrouiller par elle-même pour élever seule son fils pendant toutes ces années, bien que rongée par la haine, finit par l’accepter. Le père, puisque c’est ainsi qu’on l’appelle dans le roman, impose à la mère et au fils de le suivre aux Roches, une vieille maison isolée dans la montagne ou il a lui-même grandi auprès d’un patriarche impitoyable. Au milieu de la nature sauvage, le père tente de restaurer la bâtisse en ruine et impose sa propre loi. Mais les éléments se déchaînent et contrarient ses projets. Tel Sisyphe il est prêt à réparer tous les dégâts encore et encore, mais il ne comprend pas les réactions terrorisées de la mère et du fils et bascule peu à peu dans la folie.

Jean-Baptiste Del Amo continue d’explorer le thème de la transmission de la violence d’une génération à une autre et l’éternelle tragédie qui se noue entre les pères et les fils.

Jean-Baptiste Del Amo est né à Toulouse, « le fils de l’homme » est son cinquième roman qui a reçu le prix du Roman FNAC 2021. Il a également reçu le prix Goncourt du premier roman en 2008 avec « Une éducation libertine » et a publié « Le Sel » (2010) , « Pornographia » (2013) et le Règne animal (2016) qui a reçu le prix du livre Inter 2017.

Le roman débute par un étrange prologue datant de l’âge des cavernes : une tribu nomade cherche sa subsistance face à une nature sauvage et inhospitalière. Naissances et morts se succèdent dans un éternel recommencement. Un des hommes, parti à la chasse avec son fils lui fait découvrir l’implacable vérité : il faut être violent pour survivre, agresser cette nature si belle et si dangereuse.

Puis nous revenons à la période actuelle : une femme abandonnée par son mari renonce à sa haine pour protéger son fils de neuf ans. Tant le fils trouve tendresse et amour auprès de la mère, tant ce nouveau venu qui revient après tant d’années lui fait peur. Le père a été élevé dans les montagnes dans un lieu-dit « les Roches » qu’il a fuit pour échapper à son propre père, violent et tyrannique.

C’est alors qu’il décide d’emmener femme et enfant aux Roches pour restaurer l’endroit. Il les emmène d’abord dans un vieux break. Les kilomètres succèdent aux kilomètres et la famille s’éloigne de plus en plus de villages habités pour pénétrer dans la montagne. Les derniers kilomètres sont encore plus difficiles puisque la chute d’un arbre sur la route les oblige à monter sac au dos leurs affaires. Des heures se passent avant de découvrir la bâtisse pratiquement en ruine.

L’homme s’obstine et veut rendre le lieu habitable et cultiver un bout de jardin. Petit à petit, le père fait découvrir la nature à son fils qui doit s’y adapter et quelques fois y trouver refuge tant il voit la tension qui s’installe entre ses parents. Le projet du père est sans issue, mais il refuse de l’admettre et plonge petit à petit dans la folie en reproduisant la violence qu’il a subit dans son enfance. Le roman bascule alors dans l’horreur au milieu de la nature inhospitalière.

Ce roman a été un choc pour moi. Loin des schémas habituels du thriller ou du polar, on sent page après page la tension monter dans ce trio familial. Servies par un style élégant, voire savant, les descriptions de la nature sont ensorcelantes et on en vient à comprendre le père dans son amour de celle-ci et son envie de la faire partager par son fils. Mais cette nature, même si elle est largement domestiquée depuis l’âge des cavernes comporte bien des dangers et sait se rappeler au père, stimulant en lui ce besoin de violence qu’il cherche inconsciemment à transmettre à son fils.

J’ai aimé ce roman étrange et pessimiste, qui prend son temps pour faire monter la pression entre ses protagonistes et qui malgré tout est somme toute est assez prévisible dans son déroulement. Un roman irritant également parfois, lorsque des descriptions un peu longues viennent casser le rythme. On est tenté de sauter certains paragraphes, puis on se laisse emporter par le style de l’auteur qui sait nous émouvoir au moment où on s’y attend le moins.

Un roman à lire pour l’émotion qui fait réfléchir sur la tragédie qui peut se lier entre un père et son fils et sur la transmission de la violence de génération en génération.

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